Le roman de la Révolution

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Le thème de la révolution constitue depuis longtemps une trame narrative de choix pour la littérature romanesque, paré qu’il est d’un certain nombre d’attraits susceptibles de composer un récit captivant : l’aventure, l’exacerbation des tempéraments, les dilemmes moraux, l’ancrage dans l’histoire, un certain romantisme, l’occasion de tableaux spectaculaires ou profonds de la condition humaine, théâtre du « conflit hégélien entre poésie du cœur et prose des circonstances ». Isabelle Durand-Le Guern s’est proposée d’examiner comment une poignée de romanciers de divers pays et de diverses tendances littéraires et politiques avaient traité ce sujet, de la Révolution de 1789 à celle de 1918 en Allemagne en passant par la Commune et la Révolution d’Octobre. Après une présentation générale nous rappelant que la plupart des romans favorables aux révolutions ont été écrits par des vaincus (ou parce que la révolution a été écrasée ou parce qu’ayant triomphé elle s’est pervertie), l’auteur présente ses lectures comparées selon plusieurs perspectives successives : les genres narratifs, les modèles romanesques, le rapport au discours révolutionnaire, à l’humanisme ou à la religion, la question des mythes et des figures historiques, le statut des personnages féminins.

La constante dichotomie établie entre Dickens et Hugo revient constamment : si les deux supposent une certaine omniscience du narrateur par rapport à l’action du roman (contrairement, par exemple, à Zola qui, dans La Débâcle, se met au niveau de ses personnages sur la base d’un réalisme subjectif), la représentation du peuple est concrète et émotionnelle chez Dickens, plus abstraite et générale chez Hugo ; l’auteur des Misérables idéalise les foules et donne de la révolution une image apocalyptique au sens positif de la parousie, alors que l’auteur d’Un conte de deux villes exprime un sentiment de terreur face au déchainement des forces populaires (annonçant les thèses de Le Bon), l’apocalypse révolutionnaire prenant pour lui figure de châtiment. Les études consacrées aux auteurs allemands (Alfred Döblin, Leo Perutz, Ernst Glaeser) retiendront particulièrement notre attention dans la mesure où ces romanciers de la révolution spartakiste sont peu lus dans l’espace francophone et gagneraient à l’être davantage. On regrettera, dans le corpus français, l’absence des romans de Vallès mais Durand-Le Guern s’en explique en considérant que L’Insurgé est davantage un texte autobiographique que romanesque.

 

Isabelle Durand-Le Guern, Le roman de la révolution : l’écriture romanesque des révolutions de Victor Hugo à George Orwell, collection Interférences, Presses Universitaires de Rennes, 2012, 288 pages

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Classé dans Histoire, Romans, Socialisme

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