Rassemblant les communications d’un colloque tenu en 2006 à Lyon, cet ouvrage traite de la manière dont le XVIIIème siècle a été mis en images à différentes époques par le cinéma et la télévision, que ce soit à travers des adaptations de romans, des biopics ou des docu-fictions. De L’Enfant Sauvage de Truffaut au Marie-Antoinette de Sofia Coppola en passant par les trois adaptations successives des Liaisons Dangereuses de Laclos (par Vadim, Frears puis Forman), c’est un panorama très contrasté que nous proposent le grand et le petit écran sur cette période de l’histoire et de la littérature. Remarquant que l’influence de ce siècle a été moins féconde en la matière que celle du siècle suivant, Bernard Papin, dans une contribution sur le thème des adaptations télévisées, attribue cette frilosité à la nature même de la littérature du XVIIIème, à sa « tentation permanente de la discursivité, son goût sans cesse affirmé pour le dialogue et le débat d’idées et son refus fréquent du réalisme et de la psychologie ». Marivaux a été l’auteur le plus adapté à la télévision, bien plus que Montesquieu et Rousseau qui sont les parents pauvres de cette filmographie, sans parler des auteurs des anti-Lumières qui en sont les grands absents.
Au cinéma, c’est la figure du libertin qui occupe la place centrale, éclipsant souvent celle du philosophe à qui on tente pourtant de la rattacher. Restif de la Bretonne et le marquis de Sade seront d’ailleurs adaptés dans La Série Rose, feuilleton érotique qui eut son heure de gloire, et la vie du divin marquis (sans parler de ses œuvres) a inspiré de nombreux réalisateurs, de Benoît Jacquot (Sade, 2000) à Philip Kaufman (La Plume et le Sang, 2001), sans oublier l’adaptation la plus originale tant sur la forme que sur le fond, celle du dessinateur Topor avec Marquis (1989), ovni cinématographique auquel Martial Poirson consacre tout un article dans l’ouvrage. La contribution la plus intéressante est sans hésitation celle d’Emmanuelle Meunier qui, dans son texte Les Lumières dévoilées, évoque le cas du Casanova de Fellini, ce personnage fantasque que le grand réalisateur italien n’aime guère et qu’il modifie à son gré pour se le rendre plus sympathique, transformant l’aventure libertine en « image lunaire » et, prenant à rebrousse-poil l’image rationaliste qu’on se fait de l’époque des Lumières, substitue « au siècle de l’Encyclopédie une marmite de sorcières et d’incubes ». Un recueil inégal mais éclairant.
Sous la direction de Régine Jomand-Baudry & Martine Nuel, Images cinématographiques du siècle des Lumières, Editions Kimé, 2012, 273 pages