L’écrivain suisse John Goetelen a plusieurs casquettes : romancier, essayiste, thérapeute, coach, animateur, spécialiste de chamanisme et d’astronomie, il a fait du combat en faveur des droits de l’homme mâle son cheval de bataille. Préoccupé par le phénomène de l’acharnement pénal dans le domaine des relations entre les sexes, il a publié récemment Féminista : ras-le-bol, un essai dans lequel il s’attaque au féminisme radical et à ce qu’il considère comme l’arnaque intellectuelle des études de genre. Il replace ces dernières dans le contexte d’une période historique qui voit le retour à une culpabilisation du corps, le puritanisme féministe s’étant substitué au puritanisme chrétien. Prenant plusieurs exemples récents touchant à l’évolution des mœurs, notamment dans le monde scandinave (connu pour son modernisme sociétal), il pointe les dangers d’une dérive qui nous éloigne des réalités naturelles et risque de nous enfermer dans un artifice mortifère, faisant de nous « l’humanité grise et zombie […] la cohorte des indifférenciés […] la grande soupe collective et neutre ».
Dans une lignée proche d’Alain Soral, il s’en prend aux thèses de Bourdieu sur la domination masculine et rappelle que « dans le féminisme radical la lutte des classes est très active mais inversée : ce sont les nanties qui, par un discours de genre qui gomme les différences de classes, impose aux femmes du peuple leur vision du monde. Le communautarisme de genre est un subterfuge pour masquer la domination des nanties sur le féminisme. »
On pourra reprocher à Goetelen de caricaturer un peu celles qu’il attaque, comme lorsqu’il cite Valérie Solanas comme archétype de la féministe radicale alors que son cas relève plus de la psychiatrie que de l’idéologie. On trouvera aussi qu’il émet certains jugements à l’emporte-pièce, comme lorsqu’il attribue la responsabilité de cette dérive du féminisme au courant marxiste, alors que plusieurs auteurs féministes marxistes, comme Alexandra Kollontaï, prônaient une dimension différentialiste. Hormis ces quelques réserves, cet essai assez iconoclaste a le mérite de bousculer quelques vaches sacrées et de nous mettre en garde face à une évolution possible de nos sociétés occidentales en lutte contre les vieux restes du patriarcat : « S’il n’y a aucune différence d’un homme à une femme, la séduction même est une aliénation de genre. Il n’existera bientôt plus de sexualité que fonctionnelle, mécanique, contractualisée avec consentement mutuel écrit et signé. »
John Goetelen, Feminista : ras-le-bol ! (Essai effronté), Atypic, 2012, 164 pages